La fille qui ne savait pas dire non
J’ai beaucoup de mal à dire non. Comme beaucoup de monde, je sais. Chez moi, ça prend la forme d’un syndrome de Wonderwoman. La femme qui est toujours partante pour sauver le monde, ou plus humblement accepter une tâche que d’autres refusent de faire.
Ca n’a pas que tu mauvais, bien sûr. Par exemple, je suis très contente de ne pas avoir dit « non » à Tendrépoux quand il m’a demandé si je voulais l’épouser. Tout comme je dis rarement « non » à une 3ème part de gâteau au chocolat. Par exemple. Du coup quand une amie m’a demandé: « Tu n’écris plus sur ton blog? », j’ai répondu « Si bien sûr! J’ai justement un billet tout prêt. » Archi faux, même si le billet est tout prêt dans ma tête depuis belle lurette. Je n’ai juste pas un instant à moi en ce moment. Forcément, quand on ne sait pas dire non…
C’est surtout au boulot et en société que j’ai du mal à secouer la tête de gauche à droite. Ainsi, j’avais commencé l’année universitaire dernière (2017-2018) en annonçant clairement que je ne reprendrai pas la direction du secteur l’année suivante et qu’il fallait commencer à me trouver un remplaçant. Bon ben devine qui dirige le secteur cette année encore? Bibi. Mes deux collègues les plus proches ont quitté l’université pour d’autres horizons professionnels et personne d’autre ne s’est présenté. Je connais bien la mission, c’était plus simple, ça arrangeait tout le monde, donc j’ai dit que je continuais. Mais attention, hein, c’est juste pour cette année! Après je dis non!
Avec le départ de mes collègues, il a aussi fallu trouver quelqu’un pour reprendre la responsabilité de l’enseignement à distance dans notre université. J’ai dit oui mais avec l’aide de ma collègue d’espagnol. Il y a du mieux déjà.
Et si on faisait de notre université un centre de certification en langues? Riche idée! Mais qui pourrait être désigné responsable de centre? Ah tiens, Titch! Oui d’accord ok.
Il y a deux jours, je reçois un mail d’une collègue qui déclinait poliment la proposition qu’on lui faisait de devenir expert dans un comité d’évaluation des formations. Gentiment, elle proposait mon nom, précisant, « vous verrez, Titcheur est très rigoureuse et en plus elle est sympa ». Tu apprendras donc que la flagornerie marche très bien avec moi puisque me voilà embarquée dans une aventure qui, je le crains, va me dépasser un peu mais bon. Ca a l’air intéressant.
Ajouté à cela, j’ai accepté (je crois même avoir proposé!) de donner des cours d’ingliche dans les classes de maternelle de mes filles. Je dois donc préparer pour la première fois de ma vie des séquences pédagogiques pour des enfants de 3 et 4 ans. Je suis pétrifiée. Mais il est trop tard pour reculer. Je suis donc présentement en train de choisir des comptines et des livres et à m’entraîner à parler d’une voix suraiguë pour faire parler une marionnette du nom de Roxy.
Et puis accessoirement, je n’ai pas su dire non à la dernière AG des copropriétaires de mon immeuble quand on a demandé qui voulait bien assurer la présidence du conseil syndical. Je suis donc aussi officiellement en charge de choses aussi exaltantes que signaler au syndic le dysfonctionnement d’une ampoule ou décortiquer les devis pour la réfection de l’escalier.
Je crois tout de même que mon cerveau s’est mis de lui-même en mode survie quand j’ai réussi à ne pas donner suite à un email des parents d’élèves de la classe de mon aînée cherchant des candidats pour les rejoindre sur la liste des représentants des parents à l’école élémentaire. Ce n’est pas sans fierté que j’avoue ici ne pas m’être portée volontaire.
Je te rassure, je sais aussi dire non quand il le faut: à mes étudiants, quand ils me demandent si je peux monter leur note parce qu’il leur faudrait 14 pour valider leur master, au militant anti-fourrure qui me demande si j’ai déjà vu un film d’animal en train de se faire écorcher vif, au mec dans la rue qui me demande mon 06 vas-y-fais-pas-ta-pute, à Tendrépoux, quand il me demande si ça me dit qu’on parte en camping-car avec les enfants aux prochaines vacances d’été (je crois lui avoir répondu « over my dead body »), à mes filles, quand elles me demandent si on peut adopter un hamster, ou aux gens qui me demandent si on compte faire un 4ème enfant pour avoir un garçon.
Voilà, avec un peu de volonté, j’arriverai peut-être à ne pas devenir présidente de l’AFRLM (Association Française des Ratons-Laveurs en Macramé) ou à refuser le statut pourtant certainement très convoité de déléguée à l’intersyndicale de la NIET (Nébuleuse Internationale des Enseignants Triskaïdékaphobes).