Desperate Titcheur
Lecteur, tu le sais, je suis
Ingliche Titcheure. Et ce matin, en corrigeant des copies de 1ères S (ceux qui
sont donc censés être les meilleurs de l’établissement), j’ai été remplie d’un
désespoir aussi profond que soudain.
Entre les copies-torchons
raturées, typexées, gribouillées de symboles incompréhensibles et les copies
manucurées au stylo rose mais bourrées de fautes, il m’a pris l’envie
irrésistible de brûler le paquet. Genre on oublie tout et on reprend à zéro.
Zéro comme la note que j’ai dû mettre à 4 personnes sur 16. Je suis pas prof de
maths mais ça doit faire du 25% de la classe ça.
Là, je t’imagine, lecteur, les
yeux au ciel : « Ca y est, la sempiternelle complainte du prof, genre
« le niveau baisse » et tout le tralala ! ». Ah non !
Excuse-moi, mais là, ce n’est pas que le niveau baisse. C’est qu’il n’y a plus
de niveau.
Un exemple du charabia que j’ai
sous les yeux depuis 8h ce matin ? OK. (N.B : Nul besoin de maîtriser
la langue de Shakespeare pour se tirer une balle fendre la
poire) :
« The press fiction is
important because it is the element one of the discution in the lecteur. The
fiction in the presse I give a sensation are the lecteur. I have in the text.
The peoples are the press fiction and the mus reading the article of the
journal because he have must interesting but the press journal. The sold in
press fiction is more difficil because the peoples is must interesting for the
press fiction because the illustration of the article is imaginative.»
Je n’invente rien. Mais par
décence, je tairai le nom de cette élève qui, à part provoquer des envies de
suicide chez ses profs, n’a rien fait de mal. Et pour info, le sujet
c’était : « Do you think that reading (the press or fiction) is
important ? »
Là, j’avoue, je me suis sentie profondément inutile. Quand un élève te sort un truc pareil, tu ne sais plus trop quoi faire et tu passes par une succession d’émotions très fortes.
1ère réaction : L’énervement.
« Modafuckasonofabitch!!!!! , mais c’est pas possible d’être aussi
biiiiip, de faire des phrases aussi biiiiip, elle me prend vraiment pour une
biiiiip cette petite biiiiip de biiiiip de biiiiip ! » Cette 1ère
phase est en général assortie de grandes ratures au stylo rouge, de points
d’exclamations, d’interrogations, voire de petits dessins dans la marge (une
prof à moi dessinait des cercueils quand on faisait des fautes horribles…).
2ème réaction :
La remise en question. « Mais qu’est-ce que j’ai bien pu dire en cours
pour qu’elle croie que « are » ça veut dire
« avoir » ??? » En général, les larmes te montent aux yeux,
tu te sens nulle et tu as envie de démissionner.
3ème réaction : Le désespoir. « Ils ont le bac dans un an. Mon Dieu, je n’arriverai jamais à refaire tout le programme depuis la 6ème ! Que va devenir cette jeune fille analphabète ?» Et là tu t’imagines la gamine ayant raté sa vie parce qu’en classe de 1ère, elle a foiré un devoir… Tout d’un coup, tout te paraît moins dramatique…
4ème réaction :
L’indifférence. « Rien à péter de ces gougnafiers ! S’ils sont pas
capables de faire une phrase, je vois pas ce que je peux faire pour eux.
Sauvons ceux qui peuvent être sauvés, tant pis pour les autres ! »
Satisfaite et rassurée, tu recomptes les points pour en trouver 3 sur 20, tu
écris ton appréciation : « C’est nul insuffisant, votre
anglais est un charabia incompréhensible laisse à désirer. Il faut vous réorienter
mettre au travail pour sauver les meubles sans vous
décourager. »
5ème réaction : Le retour au réel. « J’ai plus d’encre rouge et il me reste encore 50 copies. » Fuck.