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Ingliche Titcheur
9 mai 2018

Fin de semestre : blocus, partiels et autres joyeusetés

therapist

Après plus de 3 semaines de blocage, ma fac a enfin été évacuée. Les étudiants qui squattaient les lieux ont été délogés et les locaux sont en cours de remise en état. Nous devrions pouvoir reprendre une activité normale bientôt. 

Bien sûr, les bloqueurs s’insurgent contre la « violence » de l’intervention des CRS (faut dire qu’ils se sont fait réveiller en pleine nuit, c’est sûr que c’est pas agréable) et crient au fascisme car on voudrait les faire taire. Je n’ai strictement aucune compassion à leur endroit: ils ont pris les lieux par la force au nom de leur opposition à une loi déjà votée, ont imposé leur pseudo débat démocratique au reste de leurs camarades ainsi qu’aux enseignants et au personnel administratif, tout cela pour voter un blocus qui aura certes bien emmerdé la communauté estudiantine locale, mais qui n’aura pas fait bouger les lignes d’un chouïa. Ca en a touché une sans faire bouger l’autre comme dit si gracieusement le proverbe. A la fin, quand je passais voir le campus, il ne restait qu’une vingtaine de jeunes, débattant dans la cour de l’organisation de leur vie en communauté. Une fille a pris le micro pour demander aux gens de bien vouloir fumer leur joint à l’extérieur des locaux. Un autre, manifestement exténué, demandait à l’assemblée que des volontaires viennent les rejoindre pour assurer les nuits car les quelques étudiants qui tenaient le blocus la nuit étaient au bord du burn out. Bref, on était loin des foules galvanisées, le poing levé en l’air criant des slogans révolutionnaires. 

Donc, oui, en effet, quand j’ai appris que nous pourrions enfin retrouver l’usage de notre lieu de travail, j’ai été ravie. L’université n’est pas un lieu de lutte, comme l’égrenait un braillard au microphone lors de la dernière AG, c’est un lieu d’enseignement, d’apprentissage et d’échanges. C’est un lieu ouvert à tous et toutes, sans considération politique. Si certains veulent parler politique, ils n’ont qu’à créer un club ou rejoindre le parti de leur choix. Mais qu’ils laissent la fac tranquille ! Que se passerait-il si chaque groupuscule politique se mettait à bloquer les lieux à chaque fois qu’une loi ou un événement leur faisait de l’air ? On peut ne pas être d’accord, mais je reste persuadée que tout bloquer n’est pas une solution. La preuve ? ni notre ministre de l’enseignement supérieur ni les médias n’étaient au courant que notre fac était bloquée… avant le déblocage ! On voit la portée du mouvement…  

Et pendant que quelques dizaines d’étudiants jouaient à Koh-Lanta dans nos salles de classe, le reste du monde a tenté de continuer de tourner. Nous nous sommes donc organisés pour faire passer les partiels en ligne ou à distance. Avons passé des heures à échanger des mails avec les étudiants et les collègues, essayant de ne laisser personne sur le carreau et de n’oublier aucun étudiant. Les étudiants salariés, ou étrangers, ou en stage, ou devant rendre leur chambre de bonne à la fin du mois ont eu des sueurs froides. Mais ils se sont juste fait taxer d’égoïstes par ceux qui estiment mieux savoir que tout le monde ce qui est BIEN pour l’humanité. Le personnel administratif a été placé en congé. Les enseignants, dont les vacataires, absolument pas payés pour cela, ont passé des heures également à trouver des solutions pour que leurs étudiants puissent être évalués de façon équitable, pour que leur diplôme ait un sens.

Au final, la casse est minime (tant matériellement que sur le plan académique), mais il y a quelque chose de pourri dans le royaume. Oué, je suis tellement en rogne que je cite Hamlet. Parce qu’au final, tout cela n’aura servi à rien. La loi ORE est toujours là, Parcoursup est en cours et les premiers futurs étudiants recevront leurs réponses dans les prochains jours. Je le sais, j’ai participé aux commissions Parcoursup pour mon université. Parce que je voulais comprendre de l’intérieur de quoi il s’agissait (et pas juste en lisant des tracts biaisés ou des articles dans la presse). Parce qu’avant de hurler au loup, il faudrait peut-être savoir de quoi on parle. L’outil est compliqué, c’est sûr. Il y a des questions qui se posent, c’est une évidence. Il y aura des ajustements à faire l’année prochaine, c’est certain. Mais je suis convaincue qu’il faut tester les choses avant de les juger. On me rétorquera qu’il faut surtout créer plus de places à l’université pour faire face à la démographie grandissante. Certes, mais tout le monde sait 1) que les finances publiques ne sont pas au top et 2) que même si c’était voté, on ne fait pas sortir une université de terre en 6 mois. Bref, Parcoursup, avec tous ses défauts, est une solution qui, à mon sens, est toujours plus valide que le tirage au sort de l’an dernier (qui n’a provoqué aucun blocus alors que c’est quand même révoltant de jouer ses études sur un coup de dés). Et à tous ceux qui maintiennent que l’université est non sélective et doit le rester, je répondrai par un énorme LOL. Quand on voit le taux d’évaporation des étudiants en cours de 1ère année de licence (dans mon université, en anglais, j’ai plus de 1100 inscrits au premier semestre, ils ne sont plus que 900 et des brouettes au second, et je compte environ 800 étudiants en fin de licence…), qu’on arrête de dire qu’il n’y a pas de sélection. Quelles que soient les motivations de ces abandons, il y a bien un problème d’orientation au départ. Donc si Parcoursup permet aux universités de prévenir les élèves que ça va être chaud patate de réussir médecine en sortant d’une filière littéraire et que ce sera sans doute plus aisé pour quelqu’un qui a fait S, ou qu’en ayant jamais fait d’italien, ça va être compliqué de réussir une licence dans cette langue (oui parce que, contrairement à ce que l’on peut croire, une licence d’italien ne forme pas de grands débutants - enfin pas dans notre université en touts cas - donc quand tu arrives en sachant dire que « pasta arrabiata ciao bella », disons qu’il va falloir une sacrée intervention divine pour arriver à suivre), et bien ce sera déjà ça de gagné. 

La parenthèse « blocus » s’achève donc, me laissant avec mes centaines de copies dématérialisées et un délai pathétique pour tout corriger et rentrer les notes… avant les sessions de rattrapage en juin.

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Commentaires
D
le problème est que beaucoup d'élèves ne devraient déjà pas arriver au bac car ils n'ont pas le niveau. C'est sure qu'il y a un problème d'orientation et que la politique qui veut que 90% des élèves aient le bac n'est pas forcément top.
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B
que c'est dommage pour ceux qui travail ...
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Ingliche Titcheur
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