De la politique sur Facebook
Ceci est une illustration à vocation humoristique et ironique.
Est-ce cette campagne politique ou est-ce la caractéristique intrinsèque des réseaux sociaux, mais je n’ai jamais lu autant de haine en ligne. Je suis à deux doigts de supprimer mon compte Facebook tellement je n’en peux plus de lire, tous les matins, les postes rageurs, vindicatifs, ou prosélytes de certains de mes contacts. Je n’ose plus dire « amis » car ce terme me semble bien fallacieux quand on parle de gens qu’on ne côtoie plus que virtuellement ou d’amis d’amis dont on voit les posts malgré des réglages de confidentialité pourtant fins.
J’ai mes opinions politiques. Dimanche dernier, j’ai glissé un bulletin dans l’urne. Puis j’ai vu les résultats. Je n’ai pas à vous dire si j’en ai été satisfaite ou pas, cela ne vous regarde pas et cela ne vous intéresse certainement pas non plus. Evidemment, je suis choquée que le Front national soit arrivé au second tour. Comme beaucoup, la normalisation dont ce parti a fait l’objet me semble dangereuse et je n’adhère pas à ce projet. J’espère de tout coeur qu’il sera rejeté au second tour et massivement. Mais je ne supporte plus les pseudos débats qui ont lieu sur Facebook. Alors les gens qui postent des « statuts » de 8m de long expliquant à quel point ça vous fait mal au fondement d’aller voter Macron la semaine prochaine, que vous le ferez en vous bouchant le nez tellement il incarne tout ce que vous détestez mais moins que Marine quand même parce que, elle, bon c’est juste pas possible: j’aimerais savoir ce que vous attendez comme réponse? Une médaille parce que vous votez pour quelqu’un qui n’était pas votre premier choix? Mais c’est un peu le jeu d’un scrutin à deux tours, non?
A ceux qui fustigent les personnes qui pensent ne pas aller voter, à ceux qui vomissent leur dégoût des deux candidats restant, à ceux qui se moquent des gens qui ont pu être convaincus par Macron, à ceux qui méprisent les électeurs qui ont choisi Le Pen, j’ai juste envie de dire: pour qui vous prenez-vous? Etes-vous si supérieurs au reste de la population pour que votre opinion doive s’ériger en vérité? Ne pouvez-vous vraiment pas accepter la pluralité des positions, la différence des parcours et des choix? Pensez-vous vraiment convaincre qui que ce soit par vos discours hargneux en ligne? Avez-vous vous-même changé d’opinion parce qu’un de vos « amis » s’est échiné à vous montrer la voie pendant la campagne électorale? Je ne crois pas.
Débattre, essayer de convaincre ceux qui voient les choses différemment, oui bien sûr, c’est le socle de la politique. Mais il y a une grosse différence entre exposer des faits et des arguments et pointer du doigt ceux qui pensent différemment de nous. Je suis la première à relayer des articles de journaux ou des interviews que je juge intéressants mais il ne me viendrait jamais à l’idée de traiter mes amis mélenchonistes de fous furieux, mes amis fillonistes de cathos intégristes homophobes, ou mes amis hamonistes (oui j’en ai!) d’idiots patentés. Je respecte leur sensibilité politique tout comme j’espère qu’ils respectent la mienne.
Les réseaux sociaux ont ouvert un espace de parole vertigineux: on peut afficher sur son mur ses convictions, les crier à la terre entière, débattre avec de parfaits inconnus dont nous croisons le chemin au hasard des algorithmes facebookiens. Liberté d’expression me direz-vous. Certes. Mais le masque de la virtualité fait souvent oublier que, de l’autre côté de l’écran, il y a des personnes qui peuvent être heurtées par la virulence de certains.
Evidemment, je ne suis pas obligée de lire les postes avec lesquels je ne suis pas d’accord, ni de rejoindre une conversation qui me déplaît, mais je me pose la question d’un éventuel effet pervers de ces réseaux sociaux. Je ne crois pas être la seule à saturer de ce débat qui ne s’arrête plus, des rumeurs, des on-dits, des chiffres qui circulent, des commentaires qui les accompagnent. On a beaucoup critiqué cette campagne électorale mais je ne sais pas si le rôle des réseaux sociaux, gigantesques caisses de résonance, a été étudié. Ces lieux où la moindre phrase est décortiquée et commentée, où chacun y va de sa légitime indignation ou de sa diatribe personnelle, me semblent désertés par la raison et la mesure. Cette instantanéité qui ne laisse pas la place à une distanciation critique me fait peur…
Alors le 7 mai, vous voterez bien pour qui vous voulez (c’est le principe du vote à bulletin secret il me semble). Vous voterez peut-être Macron par conviction, ou par résignation, ou en vous bouchant le nez; vous voterez peut-être blanc, vous ne voterez peut-être pas. Vous voterez peut-être même Le Pen (et je ne serai pas d’accord avec vous mais je ne vous considérerai pas pour autant comme un suppôt de Satan — tout le monde sait que Marine est la fille cachée de Voldemort). Je débattrai volontiers avec vous autour d’un verre de rouge. En personne. Mais pas sur les réseaux sociaux. Pitié. Je préfère encore voir les photos de votre plat du jour ou des vidéos de chatons.
PS: consciente de la teneur hautement controverse de mes propos (je parle de politique quoi), je prierai tout le monde d’être également mesuré et respectueux dans les commentaires. Des coeurs avec les mains.