Avent: episode two (le conseil contre-attaque)
Chose promise, chose due. Je te parlai hier encore du conseil d'administration de mon établissement, auquel j'ai été élue pour la première fois de ma life (t'as vu comme je suis une Titcheur investie et tout et tout?). En voici la substantifique moelle, pour ton plus grand bonheur. Le rapport avec l'Avent? On y vient, on y vient…
Une chose que tu sais de moi, c'est que je titche l'ingliche, pas les maths. Donc quand notre adorable gestionnaire s'est mise à nous éplucher le budget de l'établissement, j'ai tiqué. Déjà quand elle a passé sa première diapositive, je me suis dit "c'est une blague". Le titre? "Dépréciation des immobilisations".
Gni? Heureusement, j'étais assise à côté de ma collègue prof de gestion en BTS, qui me traduisait à mesure qu'on avançait. J'ai pu donc suivre pendant les deux premières heures. C'est sur les trois dernières heures qu'aura duré cette interminable séance, et notamment quand la gestionnaire s'est mis à détailler les contrats de maintenance de tous les photocopieurs et autres équipements du lycée que j'ai légèrement lâché l'affaire. Peut-être que le fait que la pauvre femme bafouillait terriblement et se mélangeait les pinceaux dans ses papiers n'a pas aidé, mais franchement, sur le coup des 22h, je ne faisais plus que lever la main mécaniquement pour voter le budget (comme si j'avais les capacités intellectuelles suffisantes pour le contredire!).
Bref, je suis ressortie vers 23h30, la tête pleine de: "DBM", "EPCP", "Chapitre J1", "Viabilisation", "Dotation Globale de Fonctionnement" et de chiffres plus abscons les uns que les autres. Heureusement, l'histoire finit bien: le budget est sincère (terme hautement technique - j'aurais au moins appris quelque chose), et on est tous rentrés chez nous en vie.
Néanmoins, ce serait mal me connaître que de penser que je n'ai rien retenu de cette expérience chatoyante. Ma mission d'élue au CA me tenant à coeur, j'ai relevé les points suivants, qui ne manqueront pas de te marquer toi aussi, lecteur avisé:
- dans mon établissement, seul un tiers du budget va aux activités pédagogiques, le reste part dans le chauffage et les autres charges. Ca fait presque autant que notre taux de réussite au bac. CQFD?
- le prix du ticket de cantine a fait un bond de près de 30%: à ce prix là, j'espère qu'on aura droit à du bar grillé sur son lit d'asperges cueillies à la main par des nonnes belges, arrosé d'un Chablis 1er cru et accompagné de sa truffade de noix de cajou. Sinon j'ai plus qu'à amener mon Bento…
- on dépense une véritable fortune en chauffage! Te donner le chiffre exact m'est impossible, confidentialité oblige, mais pour te donner un ordre de grandeur, c'est moins cher qu'un studio à Paris mais plus qu'une BMW neuve. Et on est même pas bien chauffé, on se les caille en classe. A ce tarif, je pense qu'on peut abattre l'établissement et le reconstruire en matériaux bio, mettre des panneaux solaires sur le toit et des vélos à la place des chaises (comme ça on pourra au moins canaliser l'énergie des nains de façon productive), ça coûtera moins cher. On pourrait en profiter pour construire autre chose qu'une bouse des années 80…
- j'ai été élue membre permanente du conseil de discipline. Ah ça va chier des bulles pour les nains qui filent pas droit, c'est moi qui vous le dit! (oui, je suis poète depuis que je suis au CA, c'est comme ça).
Et enfin, je te garde le meilleur pour la fin. Monsieur le Maire de notre commune chérie, interpellé par le proviseur sur la nécessité de déneiger et saler les alentours du lycée, nous a expliqué que cela allait être impossible parce que l'unique camion déneigeur que possède la ville vient d'être volé. Oui, y a un malade qui a réussi le casse le plus débile du siècle en s'emparant crapuleusement d'un déneigeur. Peut-être pour faire joli chez lui, je sais pas… Quoiqu'il en soit, le maire ne peut nous proposer que des brouettes pleines de sel et des pelles. Chic.
Nous voici à la fin du billet et tu ne vois toujours pas le rapport entre ce CA calamiteux et Noël? Laisse moi illuminer ton imaginaire de ma vision fantasmagorique de tout cela.
Nos dépenses augmentent, nos moyens diminuent, rien ne va plus ma bonne dame! Oui mais ça nous apprend à rester humbles, à faire avec ce que le Seigneur la Région nous donne, et à nous dépasser, à transcender notre condition de profs miséreux, tel Jésus distribuant les pains. Nous aussi, faute de manuels scolaires ou de stylos Veleda pour écrire au tableau, nous pouvons distribuer des pains à la place!
Quant au vol du déneigeur, pourquoi tout de suite penser à un jeune délinquant oisif tuant le temps en s'échinant à emmerder ses contemporains au maximum en les privant d'un outil pourtant salvateur en temps de plaque de verglas meurtrière? Pourquoi se ruer sur cette faciilté? Ce n'est pas très charitable!
Personnellement, dans un esprit plus adapté à cette période de l'Avent, je préfère imaginer que le "criminel" n'est autre qu' un père de famille démuni, dont le petit garçon réclame un tractopelle pour Noël, et qui a préféré risquer la prison plutôt que de priver son fiston de l'enchanteresse magie de Noël. Son cadeau à lui sera de lire l'émerveillement dans les yeux de son garçon qui le verra arriver, déguisé en Père Noël, sur son déneigeur décoré de gros rubans rouges. Et ça, ça vaut pas qu'on se casse la figure à l'entrée du lycée?