Petit bac
Quand on a la joie d'être prof, on a aussi l'immense privilège de corriger le bac. Si, c'est un privilège. On se bat pour être convoqué, pour continuer à bosser coûte que coûte jusqu'au 9 juillet, et on plaint les collègues qui restent sur le carreau, qui, le 24 juin se retrouvent bêtement en vacances alors que nous on peut encore exercer notre beau métier pendant une voire deux semaines!
Me voilà donc avec la mission d'évaluer 82 chefs-d'oeuvre d'anglais LV2 de la série scientifique. D'habitude, je me pourlèche les babines à l'idée des perles inénarrables sur lesquelles je ne manquerais pas de tomber. Je me délecte à l'avance des bourdes rigolotes que je pourrais te raconter ici. Je me frotte les mains avec un sadisme assumé à l'idée de l'hilarité que ne manquera pas de susciter la lecture de certaines copies. Bref, la perle est ce qui fait tout l'intérêt de mon boulot, ma raison d'être quoi.
Hé ben cette année rien. Que dalle. Pas une petite énormité réjouissante, aucune manifestation criante d'inculture crasse ou de malmenage de la langue anglaise. La déception totale. Non pas que je sois tombée sur des petits génies de l'ingliche! Non, j'ai autant de "He taked the fuite" ou de "the caractère are happy" que d'habitude mais aucune de ces petites fulgurances de l'esprit qui te font mourir de rire. Aucun abracadabrant récit de vacances ou paragraphe charabiesque. Juste du moyennement médiocre et du légèrement correct. L'encéphalogramme plat quoi. Pas de Shakespeare en herbe ni de tanche finie.
Je corrige donc mes copies l'âme en peine, comptant bêtement les points, soulignant ici un "s" oublié ou un verbe irrégulier massacré, une faute d'orthographe pas bien méchante ou une erreur de structure classique. J'ai quand même levé un sourcil intéressé lorsqu'un élève m'a parlé de Frozen War au lieu de Cold War (Guerre Givrée au lieu de Guerre Froide), mais c'est plutôt mignon comme malapropism.
Pffff! Si on nous enlève même le plaisir de se fendre un peu la poire, où est l'intérêt ?