I will survive
Tous les quatre ans, elle revient. Elle impose son rythme, elle bouscule les habitudes, on ne parle plus que d'elle. J'ai nommé: l'année bissextile la coupe du monde de foot. Pendant un mois, on va avoir droit à une "spéciale coupe du monde" dans tous les médias. Laurence Ferrari va s'habiller en bleu-blanc-rouge. Les quotidiens vont s'épaissir de quelques pages dédiées au décorticage des résultats. Domenech va développer des acouphènes. L'action Kronenbourg va monter en flèche. Domino's Pizza va recruter en masse. Les rues de la capitale vont être encombrées de supporters pastisés et bruyants venus exprimer leur liesse après un but et oublier le temps d'une soirée leurs soucis quotidiens en beuglant à qui mieux mieux du Gloria Gaynor ou une Marseillaise approximative. Mon ingénieur de mari va s'en donner à coeur joie sur son fichier Excel spécial "Prognostics" créé pour l'occasion. Les joueurs de l'équipe de France vont être fustigés ou encensés selon qu'ils se feront sortir au premier tour ou qu'ils gagnent la finale. Tendrépoux va à nouveau pouvoir compléter son album Panini en échangeant ses autocollants avec ses copains. Il va y avoir débat mercredi soir entre Honduras-Chili et la finale de la Nouvelle Star.
Mais en même temps, on va voir les copains toutes les semaines. Les théâtres et cinémas seront vides, de quoi faire une orgie culturelle. Tendrépoux ne voulait pas m'accompagner voir Sex and the City 2 de toutes façons. C'est moi qui choisirai le programme TV pendant toute l'année à venir. Gourcuff n'est pas désagréable à regarder. Les noms de certains footballeurs me mettent en joie: "Kaka joue comme une merde ce soir!" ou encore "Il attend qui, Messi?" Après s'être gavé de foot à hautes doses, Tendrépoux sera beaucoup moins au taquet sur la Champion's League. Pendant un mois, on va pouvoir s'autoriser à régresser: les femmes vont s'organiser des soirées entre copines où on parlera exclusivement de choses aussi cruciales que de vernis à ongles ou de régime Atkins, le tout en feuilletant Closer et en mangeant des glaces au chocolat tandis que les mecs débattront pendant des heures des performances de 22 gugusses qui courent derrière une baballe en buvant de la bière et en feuilletant l'Equipe. Pendant un mois, y aura plus de crise économique, de chômage, d'insécurité, de faits divers sordides; ce sera un peu le pays des Bisounours en France où tout le monde sera solidaire derrière l'équipe de France (si elle gagne) ou contre Domenech (si elle perd).
Vivre la coupe du monde, c'est un peu vivre coupé du monde, non?