V(i)ol au dessus d'un nid de coucous
Illustration: Parade Amoureuse (F. Picabia)
Je la regarde avancer sur le trottoir en sautillant dans sa jolie robe beige. Insouciante, elle regarde à droite, à gauche, évitant les passants distraits. Je me dis qu'elle est mignonne dans sa légèreté printanière. Tellement mignonne que ce qui doit arriver arrive: un gros lourd se met à la suivre.
Intriguée, je les suis du regard. Lui, le mâle dans toute sa splendeur, roule des mécaniques en l'abordant. Elle décline poliment une formule de drague que je ne peux que deviner. Mais lui insiste, s'approche, la frôle presque. Elle, dans un mouvement mi-énervé, mi-inquiet, recule et fait mine de continuer son chemin. Il fait semblant de ne pas comprendre et lui emboîte le pas. Elle se retourne, l'aperçoit, et accélère. "Mais laisse la tranquille espèce de gros dégueulasse! Elle veut pas de toi!" me dis-je intérieurement.
Son petit manège semble laisser la populace de marbre. Apparemment, je suis la seule à remarquer la détresse de la belle. La pauvre ne s'en sort pas. Lui, tout bouffi d'orgueil, lui sort le grand jeu. Il se pavane, l'air suffisant, hermétique aux regards affolées que sa victime jette autour d'elle. Il poursuit sa drague agressive au point de l'acculer sous un porche. Révoltée par cette scène et par l'indifférence alentour, j'opte pour l'intervention unilatérale. Je m'approche, bien décidée à lui voler dans les plumes, et assène un grand coup de pied au pervers en costume gris qui détale sans demander son reste.
J'ai jamais pu piffrer les pigeons en pleine parade amoureuse...