Mariez-vous: suite et fin.
Après ces 4 mois de préparation au mariage façon Koh-Lanta, mon concubin et moi étions prêts à bouffer des vers affronter notre dernière épreuve : un dimanche entier en compagnie des autres couples candidats au mariage catholique.
Après tout ce que nous avions vécu, nous imaginions aisément le traquenard qui nous attendait : une séance de conditionnement de 12h avec collage de gommettes et création de panneaux « Jésus revient » pour décorer la salle paroissienne. Ou encore débats interminables sur le pourquoi du comment du sacrement que nous envisagions.
Bref, nous étions préparés au pire, et c’est à reculons que nous pénétrâmes, quiche lorraine à la main, dans la salle de torture de rassemblement.
Quelle ne fut pas notre surprise ! Autour de nous, une dizaine de couples de notre âge, arborant le même regard inquiet, les mêmes cernes témoins des heures passées à réviser leur catéchisme, et tripotant nerveusement leur téléphone portable, dans l’espoir improbable qu’un coup de fil salvateur les éloignerait d’ici pour une urgence urgente.
Alors comme ça, nous n’étions pas seuls à nous demander si tout ce processus était légal normal !
Les heures qui suivirent confirmèrent cette première lueur d’espoir : nos compagnons d’aventure s’avérèrent être des gens tout à fait charmants, qui pour la plupart avaient également halluciné leur race pendant la préparation au mariage et qui ne demandaient rien d’autre que quelques conseils bienveillants sur le choix des textes et des musiques pendant la messe.
Bref, la journée fut conviviale, et même franchement sympathique. Nous fîmes la connaissance de gens charmants, habitant le même quartier que nous, et les discussions que nous eûmes sur le mariage et le couple furent hyper constructives.
Nous en sortîmes ravis, réconciliés avec notre prochain, tout enclins à pardonner aussi à ceux qui nous avaient offensé…
La suite se déroula sous les mêmes auspices. Loin de la préparation parisienne, le prêtre qui devait célébrer notre mariage dans un petit patelin de province était aux antipodes de ses congénères de la capitale. Est-ce l’air pur de la campagne qui dégage les sinus et accessoirement les synapses ? En tous cas, ce prêtre-là, que j’appellerai le Père Fection, incarnait tout ce que nous avions imaginé au début de l’aventure : douceur, compréhension, tolérance. Ses seules questions portèrent sur l’histoire de notre couple, comment nous nous étions rencontrés et aimés… Quand je lui demandai, tremblante, si on pouvait lire un sonnet de Shakespeare et passer « All you need is love » des Beatles pendant la messe, il me répondit que c’était notre mariage et qu’on faisait absolument ce qu’on voulait, et que lui, personnellement, nous encourageait à sortir des sentiers battus !
Tu imagines bien, cher lecteur qui suit mon parcours matrimonial depuis plusieurs jours, à quel point ces paroles nous prirent de court. Après avoir vérifié qu’aucune caméra n’était cachée dans la pièce, nous être pincés une ou deux fois, nous dûmes en convenir : soit ce prêtre était un alien depuis longtemps excommunié pour ses propos sataniques, soit nos contacts parisiens étaient aussi zélés que fêlés. Quoiqu'il en soit, la victoire était nôtre et nous pouvions nous marier à l’église !
La suite… un mariage féerique, une messe particulièrement émouvante car l’homélie du prêtre était vraiment axée sur nous (on sentait qu’il avait pris le temps de nous écouter et de comprendre notre histoire), des textes choisis parce qu’ils célébraient l’amour plutôt que de prescrire des rôles psycho-rigides aux deux membres du couple, des chants dé-cucufiés grâce à un accompagnement à la guitare sympa, et surtout, une ferveur de la part de notre entourage qui nous a fait oublier tous les désagréments de la préparation.
A l’époque, on avait complètement halluciné sur la « gravitude » de notre paroisse, mais avec le recul aujourd’hui, on en rie volontiers. Après tout, notre préparation a été unique à tout le moins et je crois qu’on s’en souviendra toute notre vie. Elle ne nous a même pas éloignés de l’église même si on ne peut pas dire que nous soyons fous de la messe. Et notre mariage a vraiment été le plus beau jour de notre vie.
Epilogue : deux ans après, ma belle-sœur m’a demandé d’être la marraine de sa fille. Tu me croiras ou pas, mais comme le parrain qu’elle a choisi n’a que 16 ans, et que je ne suis (toujours) pas confirmée, le prêtre de sa paroisse rechigne à baptiser mon adorable nièce de 2 ans 1/2. On ne pourra vraiment pas accuser l’Eglise catholique de prosélytisme…
Et pour clore une bonne fois pour toute ce chapitre, je voudrais juste citer un célèbre rappeur, Jay Cee de son petit nom, qui dit un jour :
« Laissez les enfants venir à moi; ne les en empêchez pas, car le royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme eux. En vérité, je vous le dis, quiconque n'accueillera pas le royaume de Dieu comme un enfant n'y entrera jamais. Puis il les prit dans ses bras et se mit à les bénir en posant les mains sur eux. »
Je dis ça, je dis rien bien sûr.